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UNE NOUVELLE HISTOIRE D'ALICE
7 février 2009

ALICE (7)

afternoon_sherry

A BATONS ROMPUS (1)


Alice avait pris désormais l’habitude, sur les coups de 16 heures - 16h30, de partager sur la terrasse une tasse de thé avec le maître, lorsqu’il était présent à son domicile. « Voulez-vous une tea cup », demandait t’il alors dans un accent plus qu’approximatif. « Voyez-vous, chère Alice, j’appartiens à une génération d’handicapés des langues qui ont appris davantage l’anglais à travers les œuvres de Shakespeare que dans les manuels de conversation courante … veuillez me pardonner cette lacune ». Le maître était heureux d’échanger avec elle et de connaître un point de vue frais et naïf, mais aussi très sensé sur toutes sortes de sujets. Et lui de lui transmettre non pas un peu de son savoir ou de son expérience, ce qui n’était nullement le but recherché, mais de lui permettre d’ouvrir sa curiosité et son esprit à toutes sortes de choses et de lui faire gagner ainsi un temps précieux. Alice était curieuse de tout. Un jour, pendant qu’il se servait une infusion faite d’eau chaude et de quelques brins de thym, elle demanda à brûle-pourpoint :

 

- Croyez-vous à l’amour, cher maître ?


- 
Oui, bien sûr, que j’y crois, mais il y a toutes sortes d’amour, chère enfant, vois-tu, il y a l’amour passion, l’amour tendresse, l’amour filial, l’amour maternel, l’amour amitié…

-  Y a- t-il une vraie différence entre l’amour et la passion ? demanda Alice
- Bien sûr, l’amour fait aimer l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, la passion englobe l’autre dans une aura de perfection qui idéalise et sublime l’être aimé dans toutes ses manifestations

- La passion dure-t-elle aussi longtemps que l’Amour ?

- la passion est un feu qui dévore et anéantit tout sur son passage, l’amour est une petite flamme que l’on doit entretenir sans cesse si on ne veut pas qu’elle s’éteigne…

- Dieu me préserve de connaître un jour  la passion, dit encore Alice

- L’amour peut avoir des côtés égoïstes aussi, parfois, dit le maître, la passion, jamais, tout est tourné vers l’autre…

 

- Oui, dit Alice,  ce qui est gênant dans votre langue, c’est que vous n’avez qu’un seul mot pour exprimer l'amour, nous, nous avons : love, like, enjoy…

 

- C’est vrai, votre langue est plus subtile et nuancée que la nôtre en matière de sentiments, et toi, Alice, je suppose qu’à ton âge, tu crois encore au prince charmant ?


- Sûrement pas, répondit Alice avec force, je n’ai d’ailleurs jamais cru à aucun conte de fées, alors le prince charmant… pffff…En revanche, je souhaiterais bâtir plus tard une vie solide et faire le chemin le plus long qui soit avec un brave homme que j’aimerais et assurer ainsi à ma famille une vie stable et la moins perturbée possible. Ma sœur Anna a divorcé récemment et ses deux enfants sont très chagrinés du départ de leur père : ils l’aiment tant !

 

- Oui, dit le maître, il y a dans la vie des déchirures irréparables, il faut faire tout un travail sur soi pour recoller les morceaux et ça peut prendre toute une vie…

 

- C’est long, une vie, quand on souffre autant, soupira Alice.


        Puis, sans transition :


- Croyez-vous, cher maître, qu’on puisse faire l’amour avec quelqu’un sans l’aimer vraiment ?


- Oui, je le crois, mais je sais par expérience qu’il faut tout de même avoir un sentiment pour son ou sa partenaire, ne serait-ce que de la tendresse, de l’admiration, de l’estime…

 

- Est-ce vrai, à ce que l’on dit, que les hommes ont plus besoin de faire l’amour que les femmes ? J’ai entendu ma mère dire ça un jour.


- Je ne suis pas une femme, je ne peux pas me prononcer à leur place, mais je pense que les femmes en général ont les mêmes besoins, euh… plutôt les mêmes envies que les hommes…

 

- Merci, dit Alice en engouffrant un deuxième cookie et en lui décochant son plus beau sourire.

  -  Il est temps de se séparer, dit le maître, j’ai encore des articles à écrire et des coups de fil à donner. A plus tard, chère Alice.

Le maître rentra chez lui en faisant glisser la porte-fenêtre et la bloqua avec le verrou. Alice n’était pas autorisée à pénétrer dans l’antre sacré. Seuls la famille et quelques habitués qui avaient sa confiance étaient admis dans son intérieur. Il tenait à préserver son intimité et ne voulait pas que des regards indiscrets s’attardent sur les petits secrets de sa vie. Et sur ce qui lui tenait le plus à cœur : sa riche collection de livres.


Alice repartit à cloche-pied vers le jardin en chantonnant et décida d’aller à la conquête de ses nouveaux amis. Pour sa part, le maître se dit qu’il avait appris en une heure avec elle plus de choses que dans les 18 tomes de l’Histoire de  la Philosophie qui trônait sur le dernier niveau de l’étagère du salon et qu’il consultait rarement.

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