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UNE NOUVELLE HISTOIRE D'ALICE
14 février 2009

ALICE (8)

 

UN CYPRES SI PRES DU CIEL

 

 

cypres

 


Alice reprit l’allée centrale, puis tourna au coin du petit temple, enfin ce qu’elle supposait être un lieu de recueillement et de prière pour le Maître, quand il voulait faire le vide total en lui-même et retrouver une certaine paix intérieure. Elle trouvait cette bâtisse d’ailleurs charmante, faite dans la pierre ocre et chaude du pays et recouverte de pierres plates qu’on appelle des lauzes dans plusieurs régions de France. Elle rencontra à nouveau la chatte Midi Net, ils se saluèrent très amicalement et Midi Net grimpa sur le petit muret pour lui tenir un instant compagnie. A un moment, Il se jucha même sur ce qu’elle prit pour un grand œil ouvert sur le monde et que le soleil devait traverser sans doute à une heure précise du jour, mais dont la signification exacte lui échappait totalement. Alice ignorait tout des rites religieux, quels qu’ils soient, ses parents n’avaient jamais abordé ce sujet avec elle mais elle se dit que plus tard, elle en étudierait les bases. Ne serait-ce que pour sa propre gouverne, il est bon de se cultiver dans tout les domaines, pensa-t-elle.

 

Pour l’heure, elle cherchait un arbre qu’elle avait entrevu la veille, en rendant visite aux érables. C’était un grand arbre vert isolé, fusiforme, comme une sorte de grand parapluie refermé vers le ciel, elle se dit que ce dernier pourrait lui apprendre des choses, lui aussi, elle avait été d’emblée séduite par son élégance et ses airs de haute distinction.


- Bonsoir, dit Alice, êtes-vous, comme je le crois, une sorte de cyprès ?

- C’est exact, répondit le cyprès, je suis le cupressus sempervirens, une espèce commune dans nos régions, mais tout le monde ici m’appelle l’ambitieux.

- L’ambitieux ? Mais pourquoi donc ?

 


- Parce que mon seul but est d’aller toujours plus haut et c’est pour cela que mes voisins me jalousent un peu.


-
 
L’ambition est une chose formidable, si elle ne conduit pas à l’orgueil et à la vanité, dit Alice, il faut en avoir dans la vie, à condition de ne pas chercher à écraser les autres à tout prix.


-
 
Je suis de ton avis, dit l’ambitieux, d’ailleurs, je pense que tu auras remarqué que je pousse seulement en hauteur, et que je prends bien soin de ne faire d’ombre à quiconque autour de moi et de n’étouffer aucun de mes congénères…


-
 
Je l’ai remarqué, répondit Alice, et c’est précisément pour cette raison que je tenais à vous rencontrer, j’apprécie les gens dont l’ambition est de s’élever chaque jour un peu plus vers le haut, vous êtes une sorte de végétal mystique et généreux et je suppose que ce n’est pas par hasard que votre maître vous a planté là ?


-
 
Je le crois aussi, dit l’ambitieux, mais il ne m’en a jamais parlé ; de toute manière, mon maître peut s’adresser à nous comme il le veut, mais en revanche, il ne peut déchiffrer notre langage … Vous savez, c’est un don très rare qui vous a été donné de pouvoir parler indifféremment aux plantes, aux animaux et aux Hommes !


-
 
Oui, répondit Alice, j’en suis très fière et j’espère conserver ce pouvoir longtemps encore.


- 
Ce pouvoir te sera conféré tant que tu auras l’âme assez pure et une sensibilité assez grande pour recevoir et traduire tous les signes qui te sont adressés, poursuivit le cyprès. Un jour, tu te réveilleras et ce pouvoir aura disparu. Et tu n’auras pas de chagrin ni d’amertume en toi. Tu te diras simplement : j’ai reçu un jour un pouvoir merveilleux, je l’ai utilisé au mieux de mes possibilités, maintenant il m’en reste le souvenir, à moi de le prolonger dans ma vie d’adulte avec la même foi et la même ardeur que celle de l’enfance. Retiens bien cette leçon, chère Alice, moi, je ne t’oublierai jamais, ton souvenir restera gravé en moi jusqu’à la fin de ma longue existence.


- 
Moi non plus, je ne t’oublierai pas, dit Alice, O toi mon cher Cyprès dont les grands bras étendus vers le ciel se tendent comme une prière adressée à l’Univers pour tous les peuples opprimés de la terre.

----------------------

Puis elle se dirigea dans une autre partie du parc, là où la terre avait été remuée récemment et avait accueilli deux nouveaux pensionnaires.


- Bonjour, dit Alice, qui êtes-vous, je vois que vous êtes ici depuis peu ?


-
 
C’est exact, nous ne sommes ici que depuis l’automne dernier.


-
 
Comment vous appelez-vous ? dit Alice, moi, c’est Alice.


-
 
Nous sommes les noyers.


-
 
Quel curieux nom pour un pays où il pleut si rarement !


-
 
Parce que vous croyez que l’on ne peut se noyer que dans l’eau ?


-
 
Oui, je le pensais.


-
 
Mais il y a mille façons de le faire, chère Alice, vous êtes trop jeune pour comprendre ces choses, la vie vous l’apprendra bien assez tôt.


-
 
Parce que vous pensez qu’il faut attendre d’être vieux pour comprendre ? Détrompez-vous, les enfants sentent souvent mieux les choses que leurs aînés. L’enfance est faite d’intuition, de feeling, de prémonitions, de réactions instinctives, nous avons une sorte de sixième sens, de sensibilité à fleur de peau, qui nous permet de deviner, mettre à jour et percer les mystères plutôt qu’analyser et comprendre, c’est pour cela que nous souffrons autant.


-
 
Ne me dites pas que l’enfance n’est pas le temps de l’insouciance, de la gaîté, de la joie de vivre et de la légèreté, reprit le noyer, stupéfait.


-
 
Non, dit Alice, l’enfance est le temps de la construction, des doutes, des questionnements, des déchirements, des coups de vent et des tempêtes. A douze ans, je me cherche toujours et je ne sais toujours pas qui je suis…


-
 
Vous m’ouvrez là des horizons incroyables, dit le noyer, je pensais qu’il était si facile d’être un enfant…


-
 
Evidemment, vu comme ça avec vos idées simplistes de noyer qui n’a été crée que dans un seul but : produire des noix pour nourrir les humains, et en produire toujours plus et ainsi de suite jusqu’à la fin. Dans un certain sens, je vous envie…


-
 
Faire une seule chose et la faire bien, n’est-ce pas le but recherché dans toute vie ?


-
 
Plutôt un peu réducteur, non ? Moi, par exemple, il faudrait que je n’aie été programmée que pour mettre des enfants au monde, les élever le mieux possible et passer ensuite le flambeau ?


-
 
Je ne dis pas cela, il faut aussi penser à soi et se réaliser par toutes sortes de moyens.


-
 
C’est bien ce que je disais, mais comment pourrais-je vous en vouloir ? Les Hommes ont été créés d’une façon et les noyers d’une autre, à chacun sa petite place sur la planète, et tant qu’il y aura des arbres, des oiseaux et des fleurs, je conserverai l’espoir et une certaine joie de vivre.


-
 
Je suis content d’entendre ces paroles, allez, à bientôt, soeurette, je crois que nous avons trouvé un réel terrain d’entente.


-
 
A bientôt, dit Alice.



 

 


 

 

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