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UNE NOUVELLE HISTOIRE D'ALICE
28 février 2009

ALICE (10)

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LE CHANT DES OLIVIERS



En se réveillant, ce matin, la première chose qu’elle fit, c’est de remercier son hôte qui l’avait accueilli et protégé et lui avais permis de passer une nuit sans histoire. Alice dormait comme un bébé, les événements pourtant surprenants de ces derniers jours n’avaient pas suffi à entraver un sommeil qu’elle avait profond et de grande qualité. Du fait qu’il n’était interrompu par aucun réveil intempestif, Alice ne se souvenait jamais de ses rêves, c’était même à se demander si elle rêvait vraiment ! Elle savait pourtant que tout le monde rêve mais se disait en son for intérieur que la vie qu’elle menait ici pendant le jour valait amplement tous les rêves de la nuit.

- Avez-vous bien dormi, Alice ? demanda le grand Sage.


- 
Très bien merci, et vous, avez-vous passé une sweety night ?


- 
Absolument, fit le GS, que rien ni personne ne réussissait à perturber, jamais.


- 
Comme j’aimerais avoir votre force et toutes vos certitudes, dit Alice.


- 
La sagesse viendra avec le temps, dit le GS. Encore un peu de patience, et tu verras, les choses deviendront plus simples et plus faciles pour toi.


- 
Ca m’étonnerait, fit Alice, ma mère dit que je suis une herbe folle que rien ni personne ne domestiquera jamais !


- 
Eh bien, petite herbe folle, tu organiseras ta vie en fonction d’elle et tu t’arrangeras pour que le vent ne t’emporte pas trop loin sur ses ailes.


- 
Comme la vie doit être triste pour les gens raisonnables ! Je ne voudrais pour rien au monde leur ressembler un jour. Imaginez une journée qui se déroulerait comme la précédente et ponctuée par des obligations immuables : 7 heures, lever, 9 heures, boulot, 12 heures, déjeuner, 14 heures boulot, 18 heures retour, repas, télé, au lit, rebelote et comme ça jusqu’à la fin des temps. Si c’est ce qui m’attend, je préfère ne jamais rentrer au pays.


- 
Tu le devras pourtant, personne n’échappe à son destin, chère Alice, même pas une petite fille aussi libre, rebelle et fantasque que toi.


- 
Peut-on vraiment agir sur son destin ? demanda Alice ou sommes-nous dès le départ programmés pour être heureux ou malheureux, riches ou pauvres, solitaires ou entourés, comme nous le sommes pour la taille ou la couleur des cheveux ?


- 
Ce serait trop simple ! expliqua le GS, il y a en toi une part d’inné, ce que tu as reçu de tes parents à ta naissance, et tout ce que tu pourras acquérir et développer tout au long de ta vie, en fonction de ta sensibilité, de ta personnalité, tout ce qui te construit jour après jour. Chacun possède sa maison intérieure, à chacun de nous de l’aménager à son goût, selon sa fantaisie, mais aussi selon un certain protocole, on ne bâtit pas une maison sur trois faces, ou sans toit ou encore sans portes ni fenêtres, il faut respecter certains principes si on ne veut pas que la maison s’écroule.


- 
Tout ceci me dépasse, dit Alice, pour l’instant, je vis sous un toit de branches et de feuillages, et cela me convient parfaitement.


- 
Oui, pour l’instant, mais un jour, il faudra quitter cette vie de bohême et rentrer chez toi où ta famille t’attend.


- 
On verra, dit Alice, soudain excédée par la trop grande sagesse du GS. A ce soir et amuse toi bien en attendant !

Tout à coup, il lui parut entendre comme un murmure de l’autre côté du parc. Il lui sembla que ce bruit venait de l’oliveraie, en contrebas de la maison. C’était un endroit où elle ne s’était pas encore risquée, elle avait tant d’autres spécimens à voir et à rencontrer qu’elle avait choisi de le faire dans les prochains jours. Le murmure s’était amplifié et elle entendit distinctement un chœur à plusieurs voix, des voix si mélodieuses qu’elle n’avait encore rien entendu d’aussi beau, même pas à la chorale de son école où existait pourtant une maîtrise remarquable dirigée par Monsieur Borrell. Alice apprenait le piano depuis l’âge de six ans et elle était très sensible aux harmonies de la musique. Le concert qui venait de là-bas lui sembla absolument délicieux et elle s’y rendit d’un bon pas. C’étaient bien les oliviers qui accordaient leurs voix pour offrir à Alice le plus merveilleux concert qu’elle ait jamais entendu. Il lui sembla reconnaître le morceau, mais elle n’en était pas bien sûre. Elle écoutait beaucoup de musique classique chez elle, mais ne se souvenait jamais des titres ni des auteurs. Elle s’approcha en marchant sur la pointe des pieds pour ne pas les déranger.

 

- Bonjour, Messieurs Dames, dit Alice à la fin du morceau et en applaudissant à tout rompre.

 

- A qui ai-je l’honneur ? demanda le chef d’orchestre muni d’une grande baguette de coudrier.

 

- Je m’appelle Alice, je suis de passage dans votre belle région et je viens vous féliciter pour votre talent. Votre chœur est très au point, je suppose que vous avez répété longtemps !

 

- Nous nous entraînons chaque jour, mais nous faisons relâche au moment de la cueillette.

 

- De la cueillette ?

 

- Oui, nous produisons chaque année des olives que le maître ramasse et va porter au moulin le plus proche.

 

- On fait de la farine avec les olives ? demanda Alice, surprise. (c’était la première fois de sa vie qu’elle voyait un olivier)

 

- Ce n’est pas un moulin à farine, c’est un moulin à huile, répondit le chef.

 

- Ah ! très bien, quand je rentrerai chez moi, je demanderai à ma mère de m’en acheter. Mais dites moi, quel est donc le compositeur de ce si joli morceau ?

 

- Il s’agit de Benjamin Britten, répondit le chef.

 

- Mais bien sûr, dit Alice, ravie, c’est un gars de chez nous, j’adore sa musique. Au collège, pour la fête de l’école, nous avons interprété  La sorcière du placard aux balais, c’est sublime, et très original, vous connaissez ?

 

- Naturellement, mais tu as l’air de bien t’y connaître en musique, dis-moi, saurais-tu me donner le nom de l’œuvre que nous venons d’interpréter ?

 

- Je n’en suis pas très sûre, dit Alice, et bien que nous ne soyons pas à Noël, ne serait-ce pas les Ceremony of Carols ?

 

- Là, tu m’épates, dit le chef, c’est effectivement ça, cela te plairait-il de te joindre à nous pour l’interpréter ?

 

- Pas aujourd’hui, dit Alice, je dois retrouver le maître pour notre petit five O clock et je suis déjà en retard.

 

- Ah ! Tu le connais ?

 

- Oui, j’ai fait sa connaissance il y a quelques jours, c’est un monsieur très gentil, pourvu qu’on ne déborde pas trop les limites de sa patience et de son intimité, ajouta-t-elle en riant.

 

- Nous autres, artistes, avons besoin de beaucoup de concentration et de solitude, dit le chef, c’est notre destin.

 

- Mais pourtant, vous chantez en chœur !

 

- Non, nous chantons en solistes avec le choeur, ce n’est pas la même chose !

 

- J’aime votre façon de voir les choses, dit Alice.

Et elle prit congé de l’orchestre non sans les avoir encore une fois remerciés et félicités pour leur grand talent.

------------------------

- Vous êtes en retard, Alice, dit le maître contrarié, et vous savez pourtant que je n’aime pas attendre !


- 
J’étais à l’oliveraie où l’on donnait un concert de Benjamin Britten, mille excuses, demanda Alice, vous connaissez ?


- 
Ca va pour cette fois, mais que ça ne se reproduise pas : j’ai horreur des retardataires, des gêneurs et des voleurs de temps…


- 
Je suis désolée, dit Alice.

 

Le maître boudait et gardait le silence. Alice grignotait son biscuit avec insouciance et sans se préoccuper de lui. « Quand il aura fini de faire son grincheux, nous pourrons reprendre la conversation » pensa-t-elle. Au bout d’un moment, comme il n’avait toujours rien dit, Alice rompit le silence.

 

- Maître, demanda-t-elle, est-il possible d’aimer plusieurs fois d’amour au cours d’une même vie ?


- 
Bien sûr, dit le maître.


- 
Mais vraiment aussi fort, est-ce vraiment possible ?


- 
Aussi fort, je l’ignore, car je ne sais pas comment l’amour se mesure, mais on peut aimer autrement, et aussi bien, j’en suis certain.


- 
L’Amour avec un grand A, je veux dire, celui qui rend aveugle, celui qui vous fait oublier tout le reste et tout pardonner à l’autre ?


- 
Si pour toi, l’amour signifie tout cela, eh bien oui, tu le peux.

 

Mais Alice n’était pas convaincue.

 

- Maître, mais si on ne sait pas vraiment ce qu’est l’amour, comment peut-on le reconnaître ? Et comment peut-on savoir lorsqu’on n’aime plus ?


- 
Si tu ne peux définir l’amour, en vérité comment pourrais-tu définir son contraire ? Si je te demande de me donner les contraires des mots jour et lumière, que me répondras-tu ? Te contenteras-tu de me citer les mots nuit et obscurité ? Mais il existe aussi des termes intermédiaires. Tu pourrais me citer la pénombre, le noir, le clair - obscur, l’ombre, le demi-jour, que sais-je encore. L’amour est identique, il est tout en nuances et en demi-teintes, à toi, à nous de trouver le juste équilibre.


- 
Je ne me marierai jamais, dit Alice, c’est trop compliqué et j’ai peur de ne pas être à la hauteur, de décevoir ou d’être déçue.


- 
De quoi a-tu peur encore, chère Alice ?


- 
J’ai peur de souffrir, dit Alice.

 

Alice jugea qu’elle en avait assez fait pour aujourd’hui, elle alla s’allonger sous un arbre dans la forêt et décida de retourner chez le GS uniquement pour y dormir. Elle n’avait plus envie d’entendre ses bons conseils et ses avis trop judicieux, trop avisés, trop raisonnables pour elle. Elle en avait « ras la casquette » de ces grandes personnes qui croient tout connaître, tout vous apprendre et vous considèrent comme un OVNI parce que vous ne raisonnez pas comme elles, parce que vous êtes trop fantasques à leur goût, trop originales, trop rebelles, trop bohêmes, trop insouciantes et écervelées, trop tout ce qu’elles ne sont pas, ce qu’elles ne sont plus, ou qu’elles n’ont jamais été. Il lui prit une aversion soudaine pour les personnes trop organisées, trop rangées, trop à cheval sur les principes, les horaires, les convenances, qui ne savent ni s’arrêter, ni prendre leur temps, encore moins du BON temps, ni faire une pause, qui ont un timing d’enfer, des carnets de rendez-vous complets, des répondeurs saturés, des boîtes qui explosent, des agendas surbookés, des I-pod et toutes sortes de gadgets infernaux qu’on vous propose ou vous impose en vous jurant qu’ils vont vous faciliter la vie et vous faire GAGNER du temps !

 

Décidément, Alice était de mauvaise humeur et n’entendait même plus le chant des oiseaux dans les arbres qui lui offraient pourtant un concert presque aussi beau que celui de tout à l’heure. Puis au bout d’un moment, elle reprit ses esprits et se calma. A quoi bon s’énerver ? Les adultes avaient tout de même le droit d’être différents d’elle, d’avoir leurs soucis, leurs préoccupations, leurs obligations et les tracasseries de leur job ! Elle ne pouvait pas leur porter grief de l’envier un peu, elle, et de jalouser à travers elle le plus beau cadeau que la terre puisse jamais nous offrir : celui de

LA JEUNESSE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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