ALICE (11)

ALICE ET LE PIC VERT

Alice attendit la nuit complète pour rejoindre le chêne, elle n’avait pas envie d’entamer une conversation avec lui ce soir, mais de dormir et d’attendre demain, en espérant que la nuit lui apporterait la paix et la quiétude dont elle avait tant besoin. C’est alors qu’elle aperçut, perché sur la plus haute branche, le pic vert qui l’observait de son œil en coin :

- Bonsoir, Alice, dit le pic vert, as-tu passé une bonne journée ?

- Bof, couçi couça, répondit Alice, les adultes sont parfois assommants et m’ennuient avec leurs conseils et leur manie de vouloir tout régenter et tout décider pour nous, sous prétexte que nous ne sommes que des enfants…

- Ce ne sera pas mon cas, dit le pic, moi, je suis libre comme l’air et j’entends que les autres le restent…

- Merci, dit Alice, tu me réconfortes. Mais comment se fait-il qu’un oiseau aussi beau que toi ait un aussi vilain cri ? On dirait que tu ricanes ?

- Ma foi, je n’en sais rien, dit le pic vert, l’habit ne fait pas le moine, dit-on.

-  « Si votre ramage se rapporte à votre plumage… », cita Alice, j’ai appris cette fable en cours de français l’autre jour.

- Ce qui prouve qu’il ne faut pas se fier aux apparences, et vice versa, dit le pic.

- En tout cas, je t’aime bien, même si je te connais peu, toi qui sillonnes la terre de long en large, peux-tu me dire si la nature est aussi jolie à côté ?

- Oui, je peux te l’affirmer, dans le champ voisin, personne n’y a planté la moindre graine, eh bien, je peux te dire que j’y ai recensé plus de deux cent variétés de fleurs et de graminées…

- Comme la nature est belle, dit Alice, et comme dans sa bonté elle n’a pas oublié ceux qui n’ont ni le temps ni l’argent pour planter ou semer…

- Ce n’est pas que je m’ennuie ici, dit encore Alice, mais je me sens un peu prisonnière d’un monde qui ne semble pas fait pour moi…

- Je te comprends, dit le pic, moi je peux voler de branche en branche et me poser sur l’arbre du voisin sans aucun problème. On ne viendra pas me le reprocher ni m'intenter un procès pour violation de domicile !

- Tandis que moi, si je m’y aventure, je risque des coups de bâton, ou mieux, des coups de fusil.

- Ce qui pourrit le monde, dit le pic vert, ce sont les clôtures et les barrières…et le sens aigu de la propriété...

- Ce qui pourrit le monde, ce sont les portes fermées, les volets cadenassés, les systèmes d’alarme et le verrou des cœurs, dit Alice. Et aussi les pancartes : « attention au chien »  Pourquoi ne pas écrire aussi : « Attention, votre voisin peut vous mordre » ?

- La beauté du monde, c’est le grain de blé qui germe et l’oiseau qui s’envole, dit encore Alice.

- La beauté du monde, c’est quand on sent son cœur éclater comme un raisin mûr au soleil, dit le pic.

        - La beauté du monde, c’est quand quelqu’un vous prend dans ses bras et qu’il ne vous inonde   de            sa tendresse, conclut Alice.