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UNE NOUVELLE HISTOIRE D'ALICE
31 janvier 2009

ALICE (6)

chene_77

DEUXIÈME VISITE AU GRAND SAGE



Dès qu’Alice eut tourné les talons, elle se fit les réflexions suivantes :

 

La première, c’est que le maître, en dehors de son sourire enjôleur et de ses dents éclatantes, possédait la voix la plus mélodieuse qu’elle ait jamais entendue, il susurrait plus qu’il ne parlait, pensait-elle, et elle trouva à son timbre des modulations absolument ravissantes. Elle était présentement sous le charme le plus total.

La seconde idée qui lui vint presque simultanément, c’est que les adultes, sous des dehors séduisants, peuvent parfois enrober leurs discours de vérités un peu cruelles à entendre, ce serait, pensait-elle, comme un gros bonbon au miel au centre duquel on aurait versé quelques gouttes de vinaigre balsamique. Une espèce de sucré salé de la relation, en quelque sorte.


Elle se dit enfin que les paroles des grands, même si on pouvait les comprendre sans forcément les approuver, peuvent parfois faire très mal quand elles atteignent le cœur fragile des petites filles et même aussi, en y regardant bien, celui de dames plus âgées et que pour toutes ces raisons et pour bien d’autres encore, elle n’était pas pressée de grandir.

Puis elle se décida à aller de ce pas retrouver son ami le Grand Sage.

- Dis-moi, grand sage, toi qui sais tout ou presque de la vie, que penses-tu du Temps ? demanda Alice.


- Le temps n’existe pas, dit le GS, ce sont les Humains qui l’ont inventé, par commodité et par peur.


- Mais, dit Alice, j’ai relevé au moins 50 expressions sur le temps dans le gros Harrap’s que possèdent mes parents en Angleterre, ça prouve bien qu’il existe, non ?

 

- Quelle grossière erreur, dit le GS, on voit que tu es toute jeunette encore, ne sais-tu pas que plus l’explication est longue, plus l’article est développé, et plus cela prouve la complexité et les hésitations sur le mot que l’on veut définir ?

 

- Ah bon, je n’y avais jamais songé, et je trouve ton idée très juste. Mais le temps, le temps, il existe forcément, insista Alice, autrement, je ne grandirais pas, j’aurais toujours le même âge…

 

- Le temps est immuable, chère enfant, le temps ne passe pas, comme on pourrait le croire, c’est nous qui passons, d’un monde à un autre, d’une éternité à une autre, si tu veux…

 

- Ainsi toi, grand chêne, tu as bien eu un début de vie, un jour…

 

- Peut-être, mais qui pourrait témoigner encore, vu mon âge, de l’instant précis de ma naissance, et qui pourrait prévoir seulement l’heure lointaine de ma disparition ? Je te le demande : personne ! Tu vois bien, le temps n’existe pas, et s’il existait, il ne serait que l’antichambre de la Mort

 

- Mais un jour, tu mourras et moi aussi et nous mourrons tous …

 

- Nous passerons, c’est tout, un jour tu seras, un autre tu ne seras plus, mais il y aura toujours quelqu’un pour te succéder et pour te remplacer… Ne te prends pas pour le centre du monde, petite, pas plus que pour la reine de l’Univers, tu n’es qu’une poussière née dans un champ d’étoiles et tu y retourneras un jour pour y rejoindre tes semblables. Et tu ne brilleras ni plus ni moins qu’elles, tu seras leur égale …


Alice restait songeuse, elle ne comprenait pas vraiment les dires du grand sage, mais ses paroles avaient ouvert devant elle tout un univers de possibles qu’elle se promit de creuser dès qu’elle en aurait le loisir.

Puis, épuisée par toutes les aventures du jour, elle s’endormit au pied de l’arbre du profond sommeil que seuls connaissent les âmes très pures et les tout petits enfants.

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