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UNE NOUVELLE HISTOIRE D'ALICE
10 janvier 2009

ALICE (3)

LES ERABLES


red_reigns_at_noon



En remontant l’allée, à sa gauche, Alice aperçut toutes sortes d’arbres : des petits, des grands, des verts, des blancs, des rouges, des filiformes, des trapus, des généreux, des discrets, des souffreteux, des rabougris. Et personne pour la renseigner. «  Si je veux faire le tour complet du parc en nommant toutes les espèces, pensa-t-elle, il me faudra bien 10 ans pour les identifier ! Oh ! Celui-là, qu’il est donc laid !

 


- Pardon ? Qu’ouïs-je, qu’entends-je ? C’est à moi que vous parlez ? dit le petit arbre rabougr

 

- O, mille excuses, Monsieur l’arbre, je ne voulais pas vous offenser. A qui ai-je l’honneur ?


- Au Prince des maux tordus, enchanté de vous connaître, Alice.


- Oh ! Avec un bon tuteur, quelques arrosages et deux trois granulés, il n’y paraîtra plus, vous allez vite vous redresser ! dit Alice pour le réconforter.


- Avez-vous lu Le scaphandre et le papillon ? demanda le Prince des maux tordus.


- Non, pourquoi ?


- Parce que vous saurez que dans un corps usé, supplicié et bancal peuvent parfois se cacher des fleurs de grâce et des graines de génie…


- Je n’en doute pas, dit Alice, d’ailleurs, la beauté est une notion bien relative et met en jeu tous nos potentiels de subjectivité. Par exemple, comment me trouvez-vous, moi ?


- Personnellement, je vous trouve mal proportionnée, trop grande et trop maigre à mon goût. Moi, je suis comme le Maître, j’aime les filles bien en chair, avec des formes généreuses, par devant et pas derrière.


- Chez nous, en Angleterre, répliqua Alice, vexée, on appelle ça un boudin.

- Ne le prenez pas mal, dit le Prince, votre tour viendra, vous verrez, vous êtes encore si jeune…


Alice, lassée de cette conversation creuse et sans intérêt s’empressa de quitter son hôte et se dirigea vers son voisin le plus proche, un petit arbre pourpre au feuillage luisant et artistiquement découpé. Ses jolies feuilles dentelées brillaient au soleil de tout leur éclat.


- Salut, la Miss, dit l’arbre.


- Salut, répondit Alice sur le même ton.


- Je suis la femme de ce Tordu, dit-elle, ça fait 20 ans que je supporte ses calembours et ses calembredaines, il a toujours aussi peu de tact et d’esprit, vous avez dû vous en rendre compte !

- En effet, répondit Alice. Il faut le quitter, dit-elle résolument.


- Ah ! Si je n’avais pas toutes mes racines ici, dit la femme du Tordu. Quand on fait son trou quelque part, il est difficile de s’en dépêtrer !


- Comme je vous plains, vivre avec un tel goujat ! Mais vous avez l’air d’avoir un bon voisin, à votre gauche !


- Chut ! parlez plus bas, si le Tordu nous entendait ! Il m’étriperait ! Ce garçon est mon amant depuis dix ans et je l’aime toujours avec autant de passion.


- Alors, la crise des trois ans, c’était donc du pipeau ?


- Pas vraiment, j’ai connu des hauts et des bas, comme tout le monde, mais je me suis accrochée à la branche, et quand je commence à me lasser, il me suffit de regarder à droite pour vite recentrer mon regard sur la gauche, mon choix est vite fait, vous vous en doutez !


- Vous êtes l’incarnation de la sagesse, dit Alice avec admiration, il y a des circonstances dans la vie où les lois manichéennes doivent l’emporter sur toutes les autres lois.


- Vous parlez bien, pour votre âge, dit la femme du Tordu, subjuguée par autant de maturité.


- Moi, si mon couple flanche un jour, dit Alice, je prendrai un amant, comme tout le monde…


- Bonne chance, Alice, cria l’épouse à Alice qui s’éloignait déjà.


- Bonne chance, cria le cocu, qui, fort heureusement, n’avait rien suivi de la conversation.


Seul l’amant eut la délicatesse de se taire, ce qui toucha beaucoup Alice qui se dit que même chez les arbres, il existe des codes régis par les règles de la discrétion et de la bienséance.


Elle compta et recompta les érables de l’allée. Il y en avait une bonne trentaine, qui se portaient tous bien, vu qu’ils avaient été fraîchement arrosés.

 

- Vous avez de la chance, leur cria Alice, votre maître vous soigne !

 


- Ce ne sont ni le Maître, ni le jardinier qui nous ont arrosés ce matin, mais une gentille dame qui vient parfois ici nous admirer. Le jardinier est en vacances, j’espère qu’il est parti vers des pays froids, car tout ce soleil, à la longue…

 


-  Peut-être est-il en Angleterre, dit Alice, remplie d’espoir et de fierté, c’est mon pays, et je l’aime !


- L’Angleterre ? Mais pourquoi pas le pôle Nord ou le Groenland, tant que vous y êtes, ricana le 13° érable


- Ou encore les îles Féroe, poursuivit le 18°, en ricanant. Avec votre frog, votre frost, votre pea-soup, vous croyez que nous, gens du Sud, pouvons nous adapter aussi facilement à un tel climat ?

- Et vos puddings, et vos panses de brebis farcies, dit le 27° en tentant vainement de prendre l’accent british


- 
Je ne vous permets pas de m’insulter, répliqua Alice, et à travers moi, la Couronne d’Angleterre et le Royaume – Uni tout entier …


- 
O sorry, ironisa ce dernier

Et elle prit congé d’eux en leur tournant le dos.

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